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Dérives

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26 mai 2008

Exposer la subversion ?

La question revient périodiquement, au fil des expositions. Est-il possible d'exposer sans les trahir des artistes qui se sont exprimés dans la subversion, l'humour, le décalage, le refus des normes établies ? Ou l'acte d'exposition neutralise-t-il par principe tout propos qui se veut ou se voulait révolutionnaire ?

Prenons deux expositions récentes, celles  consacrée à Duchamp, Man Ray et Picabia à la Tate Modern de Londres et celle célébrant DADA en 2006 au Centre Pompidou à Paris. Leurs points communs ? Une partie des artistes exposés, un regard historique sur une époque ancienne et, malheureusement, une scénographie des plus conventionnelles et ennuyeuses.

Dada, c'était n'importe quoi

Pourtant, Dada c'est corrosif, fou, absurde, jubilatoire... Picabia, Duchamp, Dada, c'est le rejet de la société bourgeoise de 1914 qui accepte la guerre et se désintéresse de la souffrance de ses Poilus.
Face aux horreurs de la guerre, les Dadas rejettent toutes les valeurs bourgeoises :  mariage, travail, respectabilité, culte de la raison, de la science, du progrès technique.Toutes ces normes, ils les piétinent, les bombardent, les font exploser comme un obus lâché sur les tranchées de la bonne conscience occidentale.

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Raoul Hausmann, Dada siegt, 1920

Ils emploient l'absurde, le hasard, le collage pour créer de la collision, du décalage et mettre ainsi à jour les mensonges et contradictions de la société de l'époque. Comme le proclame le photomontage de Raoul Hausmann, Dada se bat et, surtout, gagne. Dada est une machine de guerre qui contamine les esprits et s'impose au monde, grâce à la force de la science et au pouvoir des machines.
Par le collage d'éléments disparates, le montage met à jour les thèmes exploités par la propagande guerrière en les isolant : culte de la puissance, maîtrise du monde par la science, confort créé par la production industrielle. Ainsi exposés, ces symboles du progrès, de la vérité de la société moderne et rationnelle ne peuvent plus tromper le spectateur, qui ne peut que rire de la grossièreté du procédé, qui le renvoie à la grossièreté des techniques de propagande.

Le feu aux fesses de la Joconde

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Marcel Duchamp, L.H.O.O.Q., 1919

Car Dada ne respecte rien ni personne, et encore moins les icônes intouchables. La Joconde devant laquelle tout le monde se pâme ? Duchamp la profane en l'affublant de moustaches et d'un bouc. Et si la madone de l'art n'était pas encore assez ridiculisée, il la fait chuter de son piédestal en se moquant de sa pureté supposée. Duchamp nous fait remarquer qu'elle aussi a des fesses et même qu' "elle a chaud au cul". Le message est clair : à mort les musées, la culture sacrée, la respectabilité des modèles, vive l'impertinence, la nouveauté, la liberté du créateur, tout est permis.

Quand on visite une exposition sur le sujet, on veut être décoiffé,
perturbé, secoué même ! On veut voir de l'anti-art,
l'entendre, veut le toucher. On veut replonger dans cette atmosphère d'absurde. Or, que se passe-t-il près de 100 ans après dans une exposition sur Dada?
Pour faire bref : rien. Juste rien du tout. On visite tranquillement une exposition comme une autre, on n'est dérangé par rien, ni bruit, ni forme, ni mot, rien ne dépasse, rien ne nous choque. On évolue dans un univers cotonneux. Tout va bien. Dormez tranquilles, les musées veillent.

Comment est-il possible de passer de la subversion la plus absolue à une telle mollesse dans l'exposition ?

Le syndrôme du musée

La principale raison est sans doute le "syndrôme muséal". L'exposition repose sur la présentation d'objets ; or, que l'on expose des moteurs d'avion, des papillons rares ou des objets subversifs, le dispositif est le même :
- placer l'objet sur un socle
- le mettre sous vitrine
- le doter d'un éclairage individuel
- l'accompagner d'un texte docte commentant les particularités de la pièce, son intérêt, et justifiant ainsi sa présence dans l'exposition.
Pensez-y. L'artiste qui décide d'exposer une de ses divines crottes sur un piédestal ne fait que nous rappeler cela : le socle, la lumière, la vitrine sont des outils de sacralisation d'un objet, aussi vulgaire et commun, voire dégueulasse, soit-il.

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La merde d'artiste, de Piero Manzoni, 1961

L'expression "placer quelqu'un sur un piédestal" est suffisamment éloquente pour qu'on comprenne de quoi il s'agit. On est dans la mise en scène, dans le fait d'extraire un objet ou une personne de la masse pour la placer au-dessus des autres et "la mettre en pleine lumière".

Est-ce réellement pertinent de placer la création "au-dessus du spectateur", physiquement ou symboliquement ?  C'est justement un terrain que les artistes ont exploré, dès Rodin qui élimine les socles. Les Dada sont allé pluss loin, en remettant notamment en cause les normes de beauté, de pérennité et de sacralisation des œuvres avec leurs productions anti-art (comme la Joconde de Duchamp).
N'est-ce pas paradoxal que d'exposer de l'anti-art comme de l'art sacré ?

Pisser dans un violon ?

Dans ces expos, on nous ressert évidemment cette Pissotière que Duchamp expose en 1917 à New-York et qui fait scandale. Mais on l'expose aujourd'hui comme une œuvre d'art, avec sa lumière, son socle, sa vitrine et son cartel édifiant.

D'où un contre-sens énorme : un objet d'anti-art, qui interroge la définition de l'art et de l'artiste se voit sacralisé en étant présenté comme une œuvre d'art. La photo de la Pissotière exposée en 1917 n'est-elle pas suffisante pour évoquer cette provocation ? Cette photo est documentée et d'une fiabilité parfaite.


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La Fontaine de Duchamp, photographiée à New-York en 1917 par Alfred Stieglitz

La Fontaine de Duchamp, photographiée à New-York en 1917 par Alfred Stieglitz

Apparemment, pourquoi se contenter de témoignages photos : dans les années 60, on a fabriqué des fac-similés des ready-made disparus de Duchamp. Personne ne songerait à recréer une oeuvre disparue, mais cela semble moins gênant pour un objet industriel. Cela pourrait se défendre si on ne l'exposait pas aujourd'hui comme une relique.
Que cet objet ait acquis une valeur historique, documentaire, je ne le conteste pas. Ce que je réfute, c'est la dimension artistique intrinsèque que lui octroie le dispositif muséal.

Dans ces deux expos, une pissotière voisine avec un journal, un dessin, un photomontage, une peinture, un assemblage, une sculpture... La scénographie les traite de manière identique et les met sur le même registre physique - et donc symbolique. Si la sculpture est art, alors la pissotière est art aussi.

Et il ne s'agit pas de compter sur les textes pour éclairer l'amateur désarçonné, tous sérieux et sentencieux, en complet décalage avec le propos de ce qui est exposé.
Quid de la folie créative ? films et performances, poésies, releguées dans des espaces définis et confinés.

On rêve d'une bande son explosive qiu nous accompagnerait et nous surprendrait en pleine contemplation ou d'irruption de comédiens déclamant de la poésie Dada, qui nous dérangerait, nous casserait les oreilles, avant de filer emmerder un autre bourgeois sérieux contemplant avec l'air concentré le porte bouteille ?

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21 octobre 2007

Pourquoi les stars de la pop ?

Il faut bien l'admettre, même si cela n'a rien de glorieux : lorsque je zappe, je m'arrête souvent avec délectation sur les aventures des Popstars, de ceux qui changent de look, qui cherchent un appartement. Même ceux qui ont des problèmes avec leurs voisins. Pourtant, je regarde plus souvent Arte, France 5 et Canal que TF1 et M6. La télé me semble un tel outil de propagande et d'abrutissement que j'ai vécu sans pendant près de 10 ans.

De la téléréalité comme un zoo humain
J'ai donc découvert ces shows télé-réalistes avec plusieurs années de retard. Au début, je me suis abritée derrière l'étude sociologique : " je regarde juste pour comprendre comment ça marche". J'ai observé le machiavélisme du casting, les clichés véhiculés et les mécanismes de déstabilisation des candidats. Malgré tout, mon amoureux a vite été affligé de me voir regarder cette trash tv, comme s'il  n'était pas convaincu du caractère passager de mes observations.

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Pour approfondir ma réflexion sur ce théâtre des clichés, j'ai lu un essai sur la question, L’écran et le zoo. Spectacle et domestication, des expositions coloniales à Loft Story, écrit par Olivier Razac. Chaque personne est choisie comme archétype d'un modèle auquel elle se cantonne - inconsciemment - avec d'autant plus de force qu'elle ne veut pas perdre sa place. La blonde, pétasse et idiote, mais au grand coeur. Le gay, joyeux, maniéré, narcissique et superficiel. Le beau mec, séducteur, charmant et salaud. Le vieux couple de beaufs plus vrais que nature avec leurs vraies fausses armoires normandes. La mère célibataire dépassée par ses ados de filles. La quinqua célibataire, aigrie et insatisfaite. Etc etc etc.

Mais qu'est-ce qui nous attire autant dans cette télé poubelle ?
On aurait pu penser après ça que j'en avais fait le tour. Pourtant, chaque nouveau programme de ce type stimule ma curiosité et mon avidité de voir. J'ai vu Next, le speed-dating trash, le Relooking Extrême à coups de bistouri, les parents qui veulent remplacer leur gendre ou leur belle-fille qui n'est pas à leur goût. J'ai même pris goût à Popstars ces derniers temps.  

Alors vient un moment où il faut l'admettre : ces bouses diverses et variées sont attractives, séduisantes, elles nous font réagir. On y prend du plaisir. Quand je zappe et que mon chemin croise un de ces daubes pathétiques, je jubile et je m'y arrête avec délectation. J'aime me moquer de ces candidats à moitié idiots et ridicules (genre le rappeur de salon façon Popstars), de ces pauvres filles qui, à force de vouloir ressembler à Barbie, ne ressemblent plus à rien (Ophélie Winter, son faux nez et son décolleté atomique en silicone), j'aime être scandalisée par la détresse de ces pauvres gens prêts à sa faire charcuter pour
enfin "retrouver" une vraie vie.

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Quelle bande de cons !
J'aimerais pouvoir expliquer
ce phénomène par des mécanismes sociologiques complexes. Cela permettrait de se dédouaner, de ne pas être responsables, d'être des pauvres hères manipulés par des puissances supérieures. Pourtant, je crains que ces émissions marchent justement parce qu'elles flattent nos instincts les plus bas : voir plus bête, plus moche, plus malheureux, plus misérable que soi, ça permet de se sentir bien, beau, intelligent et heureux.

J'en garde un sentiment de dégoût, devant ce cynisme des producteurs : exploiter le désarroi de pauvres gens, tellement désespérés qu'il saisissent comme une chance le malheur de devoir exhiber leurs pauvres vies devant des millions de gens. Téléspectateurs qui se régaleront de cette humiliation tous les jours renouvelée, déclinée, qui leur fera peut-être oublier les humiliations qu'ils subissent tous les jours et, qui sait ? les en vengera peut-être.

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Aller toujours plus bas
Au bout d'un moment, le crétin maladroit, la dinde blondasse, la prof de danse hystérique ne nous distraient plus.
 Malgré les changements permanents introduits par les  éliminations, chaque show de real tv devient lassant au bout d'un certain temps.
Il faut donc penser de manière stratégique : diffuser les shows en alternance, avec le bon dosage, pour lasser le plus lentement possible. Le temps de
renouveler les concepts, d'inventer de nouvelles formes de voyeurisme et d'intrusion dans la vie privée des gens pour  stimuler la curiosité. A voir les nouveaux programmes touchant à la chirurgie, à la vie intime des couples, aucun tabou n'arrêtera les producteurs avides de fric.

Régime sec sans trash tv
Alors, face à cet avilissement toujours plus fort, qui nous emmène toujours plus bas, il convient sans doute de lutter en s'interdisant de regarder ces émissions. Si la méthode semble brutale et radicale, réprimer ses instincts de trash tv comme on réprime ses pulsions violentes ne semble pas incongru. Il faut toujours lutter contre sa face noire pour donner le meilleur de soi.

20 octobre 2007

Et c'est parti

Voilà, la page existe, il ne reste qu'à se jeter à l'eau, à lui donner vie, à la nourrir de mes pensées, de ce que je vis, de ce que je vois, de ce que j'aime... mais aussi de ce qui me révolte dans ce monde de merde.
Ce qui donne le courage de résister à l'horreur actuelle, ce sont ces perles d'humanité et de solidarité qui se nichent au coeur  de la merde la plus noire ; elles parviennent à éclore çà et là et à s'épanouir malgré la puanteur ambiante.
C'est l'équilibre du yin et du yang. Plus une partie de l'humanité maltraitera l'autre, plus la solidarité et les beautés de l'âme humaine trouveront à s'exprimer et à résister à l'injustice, à la violence, à la bêtise, à la méchanceté.
Voilà pourquoi malgré les crimes, le terrorisme, la ploutocratie, le népotisme, la corruption et tous les abus de pouvoir, je ne cesse d'espérer qu'un jour la bonté de l'être humain vaincra sa vénalité et que le monde sera enfin meilleur et plus juste.

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